Délivrance d’un jeune possédé par Jésus près de Béthanie

 

Arrivé à une lieue de Béthanie, Jésus délivra un possédé : c’était un jeune homme dont les parents coururent au-devant du Seigneur au moment où il entrait dans leur village ; il les suivit dans la cour de leur maison, où se trouvait leur fils, qui à son approche, devint furieux, bondit de rage et escalada les murs. Les gens qui étaient là voulaient se saisir de lui ; mais ils ne purent y parvenir, parce que sa fureur allait toujours croissant, et qu’il déchirait à belles dents ceux qui l’approchaient. Alors le Seigneur ordonna à tous les assistants de sortir et de le laisser seul avec le possédé. Dès qu’ils furent tous éloignés, Jésus commanda au jeune homme de venir à lui. Mais celui-ci ne vint pas, et tira la langue au Seigneur, en faisant d’affreuses contorsions. Ce dernier l’appela une seconde fois ; mais il refusa toujours de venir et se contenta de le regarder en lui tournant le dos. A ce moment, Jésus leva les yeux au ciel et pria : cette fois, le possédé vint à son commandement et se jeta à ses pieds de tout son long. Le Seigneur passa sur lui un pied, puis l’autre, et fit cela deux fois comme s’il lui eût marché sur le corps ; je vis alors sortir de la bouche du possédé comme un tourbillon de vapeur noire qui se dissipa dans l’air. Dans cette vapeur, je distinguai trois nœuds, dont le dernier était le plus sombre et le plus épais. Ces trois nœuds étaient joints ensemble par un gros fil et par plusieurs autres plus déliés. Je ne puis comparer le tout qu’à trois encensoirs superposés, laissant échapper, par des ouvertures, des nuages de fumée, qui se réunissaient les uns aux autres.

Le possédé était étendu aux pieds du Seigneur, sans mouvement et presque sans vie. Jésus le bénit de la main, comme par un signe de croix ; puis il étendit le bras vers lui en lui ordonnant de se lever. Alors le malheureux jeune homme se leva ; il était nu et pâle comme la mort. Jésus le conduisit vers la porte de la cour, le rendit à ses parents, et leur dit qu’il le leur rendait quant à présent, mais qu’il le leur redemanderait plus tard. Il leur recommanda aussi de ne plus pécher contre leur fils ; car ils s’étaient rendus coupables à son égard ; et c’était ce qui l’avait fait tomber dans ce déplorable état. Je ne sais plus quel était leur péché.

 

 

La Sœur Anne-Catherine témoigne : « J’eus ensuite une grande et merveilleuse vision touchant ce démon que le Seigneur chassa près de Béthanie »

 

Je ne saurais reproduire la vision de manière suivie. C’était une succession de tableaux, qui se perdaient les uns dans les autres. En considérant les trois nœuds noirs enlacés, je pénétrai de plus en plus dans les détails de la vision, qui finit par devenir tout un monde. Il me semblait voir d’abord une ombre en mouvement, ensuite je reconnus l’ombre d’un homme, puis une forme humaine dont on pouvait distinguer les membres et même tout l’intérieur ; on voyait le cœur, le cerveau et tous les autres organes avec leurs fonctions ; on pénétrait toutes les pensées, les sentiments et les actes ; on visitait le corps et l’âme de cet homme, qui d’abord n’avait paru qu’une ombre, et dont on voyait enfin les rapports qu’il avait avec ses semblables.

 

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Dans ces trois nœuds, dont les teintes noires différaient entre elles, je vis diverses subdivisions, qui prirent sous mes yeux la forme de jardins, dans lesquels j’aperçus toutes sortes d’affreuses choses. Ensuite, je distinguai de petites figures, puis des hommes, et tout cela m’apparut comme la succession des différents règnes de la nature dans sa formation et son activité.

Les jardins formaient maintenant diverses sphères d’action et d’opération. Quant la vision fut arrivée à ce degré de développement, je ne vis plus les nœuds circulaires suspendus en l’air, mais tout cela était devenu comme un monde. J’aperçus aussi des cercles lumineux opposés à ces sphères ténébreuses, et qui les séparaient. Il en sortit des hommes qui passaient dans les cercles ténébreux. Quand ces sphères se présentèrent à mes yeux sous la forme de mondes pleins d’hommes et de vie, je distinguai des églises de ténèbres.

 

1-Dans la sphère ténébreuse la plus basse,

 

je vis un culte abominable rendu au démon, et en guise d’autel un monticule, derrière lequel était un trou où d’énormes bûches entretenaient un brasier ardent. La flamme y était d’un rouge sombre, et la fumée se dirigeait en bas vers la terre : toutes les cérémonies, toutes les prières semblaient se diriger en bas. J’aperçus là une espèce de sanctuaire et comme un sacrifice ; mais ce n’était qu’outrages, profanations, abominations et infamies. Il y avait tout un cérémonial en l’honneur du démon. Je ne puis exprimer tant d’horreurs. Autour de ce centre infernal, on voyait des personnes qui faisaient bouillir dans de grandes chaudières, avec d’autres choses hideuses, des plantes dont je savais les noms, et dont la vue, toutes les fois que je les rencontrais dans mon enfance, me faisait frissonner. Je vis qu’elles en oignaient leur corps ; ensuite elles furent transportées en différents lieux, où elles se réunissaient à des hommes qui leur étaient semblables, et avec lesquels elles se livraient au péché. Je vis aussi des fils réunir toutes ces âmes, de sorte que l’un savait et voyait ce qui concernait l’autre. Il y avait dans ces fils ou canaux spirituels, comme des oiseaux noirs, qui allaient et venaient pour établir des communications. Je vis ces personnages communiquer des maladies aux hommes, et leur faire toute espèce de mal.

 

Ils appartenaient à toutes les contrées

 

: il y en avait malheureusement de notre temps (celui de la visionnaire Anne-Catherine Emmerich en 1824) ; surtout on rencontrait beaucoup de Juifs des pays étrangers. Tout compris, ils ne formaient pas un groupe bien nombreux. Ils agissaient mystérieusement et dans les ténèbres, et toutes leurs œuvres n’étaient que folies, abominations et méchancetés, sans aucun profit pour eux-mêmes.

Je vis dans l’enceinte de cette église infernale, se produire la fornication, le meurtre et toutes sortes d’abominations : c’étaient là les bonnes œuvres des adorateurs du démon, et je reconnus que tous ceux qui s’adonnent à de tels forfaits appartiennent, sans le savoir, à cette église diabolique.

 

Je distinguai en outre, dans cette sphère, certains états et certaines relations qui, dans la vie ordinaires, ne sont pas considérés comme illicites. Il y avait, tout auprès de ces extatiques, des personnes magnétisées

 

Celles-ci se frottaient d’onguents pour voir au loin, et ensuite commettaient avec d’autres les péchés les plus abominables. Il y avait quelque chose d’affreux entre les magnétisés et les magnétiseurs ; c’étaient des nuages noirs qui allaient des uns aux autres. Je n’ai jamais vu de personne sous l’influence du magnétisme qui ne fût affectée, au moins faiblement, de quelque impureté charnelle.Je vois aussi toujours leur clairvoyance ayant pour agents de mauvais esprits. Beaucoup de personnes me paraissaient tomber du royaume de lumière dans celui des ténèbres, situé en-dessous, parce que, soit pour guérir des malades, soit dans l’intérêt de la science, ils prenaient part à ces opérations magiques. Ils magnétisaient et s’efforçaient, égarés par des succès trompeurs, de séduire beaucoup de personnes appartenant au royaume de lumière. Je vis qu’ils voulaient confondre ces guérisons opérées dans les ténèbres, et cette clairvoyance infernale, avec les guérisons surnaturelles et les visions des saints. Des hommes d’une haute distinction travaillaient ainsi, sans le savoir, au royaume de Satan.

 

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2-Dans l’enceinte de l’autre sphère,

 

il y avait aussi une église avec des mystères : c’étaient comme des associations secrètes. Je n’y vis pas le démon en personne, et on n’y pratiquait pas son culte proprement dit ; je n’y vis pas non plus de si abominables choses pratiquées volontairement ou par malice. On s’y occupait de sciences occultes, et l’on cherchait à pénétrer les secrets de la nature. On faisait de l’or, on frappait la terre avec une baguette dont le bout était dentelé, on portait des amulettes et des anneaux sur lesquels étaient gravés des lettres ; on célébrait certaines fêtes, on tirait les cartes, on conjurait la fièvre, on guérissait par des moyens bizarres. J’ai vu là mille choses extraordinaires, destinées en apparence à contribuer au bien-être extérieur des hommes ; mais il y avait au fond le culte secret du démon, le désir de guérir sans renoncer au péché, comme source de la mort et des maladies, le secours demandé non à Jésus et à son Eglise, mais à la nature déchue. Ces guérisons étaient d’ailleurs apparentes et pleines de dangers ; ce qui me fut montré par des symboles, comme celui d’un trou couvert de papier pour qu’on ne le voie pas.

Cette fausse église était, plus encore que la première, entourée de personnes qui s’occupaient de magnétisme ; mais celles-ci n’étaient pas aussi corrompues que les autres ; toutefois il y avait là comme une école qui préparait aux plus grands crimes. Je vis cette sphère inférieure peuplée d’une multitude de gens qui étaient, par rapport à ceux du cercle inférieur, ce que sont les laïques relativement aux prêtres. Au lieu de l’horrible culte diabolique, des impudicités, du meurtre, de l’abomination, de la préparation de breuvages empoisonnés, de la propagation d’images et d’écrits obscènes, je voyais ici de folles amours, l’idolâtrie de la nature et de la créature, l’affection aveugle des parents pour leurs enfants, des billets doux, de la musique mondaine, des danses, des boucles de cheveux, des anneaux, des portraits d’amants. Dans le cercle précédent, j’avais vu préparer des breuvages afin de procurer des avortements ; ici on usait de charmes pour inspirer l’amour.

 

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3-La troisième sphère présentait un autre aspect,

 

et c’était pourtant la même chose, mais à un degré différent. Ici encore il y avait une église au centre : c’était simplement la franc-maçonnerie et des choses de ce genre. Il n’était question ici que de bienfaisance sans Jésus-Christ, de lumière en dehors de la vraie lumière, de science sans Dieu, de bonne chère, de vie commode, etc. Les gens de ce cercle se croyaient bien au-dessus de ceux des deux autres, et s’imaginaient travailler contre eux, tandis qu’ils ne luttaient que contre la religion, et laissaient grandir les deux autres, dans le sol duquel ils avaient leurs racines. Ces trois royaumes étaient liés ensemble par de triples canaux, et par une foule de lignes et de rayons qui les mettaient en rapport. Tous les gens qui les composaient se donnaient beaucoup de peine, mais ce qu’ils produisaient n’était qu’erreur, aveuglement, misère et désespoir ; leurs guérisons n’étaient que des palliatifs, qui souvent augmentaient le mal en le déplaçant. Je vis, dans les deux derniers cercles, un grand nombre de savants, surtout des médecins et des pharmaciens.

 

Je ne me rappelle pas la suite de cette vision ; je ne vis plus de séparation entre la région de la lumière et les sphères ténébreuses : tout était confondu, c’était le monde avec tous ses bruits. Je me trouvai moi-même au milieu de tout cela, et je vis des amis et des gens de ma connaissance qu’une espèce de vertige poussait vers le cercles ténébreux, et je les ramenai en arrière(°)

 

(°) Remarque du pèlerin :

 

La sœur Emmerich aperçut dans ces cercles un règne végétal et un règne animal qui avaient avec chacun d’eux un triple rapport physique, moral et mystique, et dans tous les trois l’abus différent qu’on en faisait. Elle vit la signification des animaux et leur rapport réel et symbolique avec les péchés et avec les vertus opposées à ces péchés. Elle put aussi considérer les œuvres du monde déchu en dehors de l’Eglise de Jésus-Christ, et voir comment, par ces abominations, il adore le démon, soit directement et personnellement, soit indirectement dans la nature, et comment il s’adore lui-même dans sa raison et veut par lui-même opérer son propre salut.